L’Institut des Monnaies Locales lance une Recherche-Action sur les monnaies locales et le tourisme.
Léa Fromentin mène le travail de recherche sur « Les monnaies locales au service d’un concept nouveau : le tourisme participatif », pour lequel l’Institut des Monnaies Locales s’est associé à l’Eusko, grâce à un financement de la Fondation Crédit Coopératif et de l’Université de Bordeaux dans le cadre du projet MoLoNA.
Interview …
Vous venez d’entamer votre travail de recherche sur le dispositif de tourisme participatif « Vacances en eusko » mis en place par l’Eusko : est-ce que vous pourriez nous présenter ce concept ?
Léa Fromentin : L’Institut des Monnaies Locales, organisme de recherche et de formation porté par l’association Bihar, s’est associé à l’association Euskal Moneta – Monnaie locale du Pays Basque pour mener une recherche-action sur le dispositif « Vacances en eusko » qu’elle met en place cette année pour les touristes.
Le dispositif « Vacances en eusko » consiste à proposer aux touristes de participer à la Transition écologique et à un développement harmonieux du Pays Basque en utilisant la monnaie locale basque. Car comme toutes les monnaies locales (il en existe près de 80 en France), l’Eusko oriente les consommateur.ice.s vers les circuits courts locaux, et les dynamise en circulant exclusivement entre commerces, entreprises, paysan.ne.s et prestataires locaux.les.
Mon travail de recherche vise à évaluer la pertinence de ce dispositif utilisant une monnaie locale comme levier d’un tourisme participatif. Il pourrait même s’agir d’une extension très intéressante de ce concept de tourisme participatif, qui pour l’instant semble n’avoir été utilisé que pour inviter les touristes à participer à des chantiers solidaires sur le territoire les accueillant. Là, il s’agit d’inviter chacun.e, pendant ses vacances, à utiliser la monnaie locale pour participer à la Transition écologique et à un développement économique de qualité du territoire qu’ils.elles visitent.
Comment fonctionnera précisément ce dispositif « Vacances en eusko » ?
Pour participer, les touristes auront le choix entre deux options, chacune d’un coût de 2 euros : soit ouvrir un compte en ligne Vacances en eusko et payer via une application smartphone dédiée, l’Euskopay ; soit acheter des enveloppes de billets d’eusko dans les Offices de Tourisme partenaires, au taux de 1 eusko pour 1 euro.
Le compte Vacances en eusko s’ouvrira en ligne en 5 minutes, sur ordinateur ou smartphone, et le.la touriste pourra le charger sans frais avec sa carte bancaire. Ensuite, l’application Euskopay lui permettra de payer en flashant un QR Code disposé à la caisse des centaines de professionnel.le.s participant.e.s. Pour savoir où utiliser l’eusko, il aura accès à un annuaire géolocalisé : bars, restaurants, hébergeurs, loisirs sportifs, culturels, gastronomie, sites historiques… Avec aussi des bons plans, des circuits 100% en eusko pour découvrir de jolis coins du Pays Basque, etc.
En quoi ce dispositif permet-il d’agir concrètement pour l’emploi local et la Transition écologique ?
Les centaines de prestataires membres du réseau Eusko sont tous impliqués dans la Transition écologique à travers leur utilisation de la monnaie locale, qui les amène à relocaliser leurs achats. De plus, comme l’Eusko n’admet dans son réseau que des entreprises dont le siège social est au Pays Basque, et qui échangent ensuite entre elles en eusko, c’est la garantie pour le.la touriste que le pouvoir d’achat qu’il dépense en eusko va circuler et rester davantage sur le territoire, et dynamiser ainsi l’économie locale. Ce dispositif lui offre donc la possibilité de participer à un développement harmonieux du Pays Basque, créateur d’emplois pérennes en dehors de la seule saison touristique, et respectueux de l’environnement.
Enfin, utiliser l’eusko, c’est aussi un moyen d’aller à la rencontre du territoire et de ses habitant.e.s, ce qui répond à une autre demande forte des touristes : la découverte et l’authenticité. Le.la touriste va découvrir de petits commerces plutôt que faire ses courses en grande distribution, il.elle va aller dans des restaurants qui s’engagent à utiliser des produits locaux, sur les marchés il.elle sera sûr.e de trouver de vrais produits locaux, issus de l’agriculture paysanne.
Quels sont les objectifs de la recherche que vous entamez ?
Grâce à des études de terrain et à des questionnaires qualitatifs, il s’agit d’évaluer les attentes des touristes en termes de participation à la Transition écologique et à un développement local créateur d’emplois. Il s’agira ensuite d’évaluer à quel degré l’offre « Vacances en eusko » répond à cette attente, et la capacité des touristes à passer à l’acte. Enfin, nous pourrons mesurer à la fin de leur séjour si l’utilisation de la monnaie locale a modifié leur pratique du tourisme, et dans quel sens.
Mon travail consiste aussi à évaluer le potentiel de mobilisation des acteur.ice.s du tourisme dans une action en faveur d’un tourisme éco-responsable, en suivant le travail réalisé par l’équipe de l’Eusko pour les inciter à rejoindre le réseau, et en ayant avec eux.elles des entretiens. Enfin, l’étude vise également à évaluer, autour d’une action concrète comme celle-là, le potentiel de coopération et de dynamisation mutuelle entre une monnaie locale et les acteurs de l’Economie Sociale et Solidaire de son territoire.
La recherche devra enfin proposer des pistes d’amélioration du dispositif et permettre d’évaluer son potentiel de reproductibilité à d’autres territoires disposant de monnaies locales, ou souhaitant en créer une.
Pourquoi vous-êtes vous intéressée à ce sujet, quel est votre parcours ?
C’est au court du forum de l’Economie Sociale et Solidaire tenu à Niort en novembre 2019 que j’ai pris conscience du potentiel des monnaies locales dans la Transition écologique. Le sujet de recherche proposé par l’Institut des Monnaies Locales m’a également tout de suite intéressée car j’ai un attrait fort pour le tourisme. L’idée de pouvoir réaliser du tourisme autrement et dans le respect du territoire visité est pour moi primordial, et un sujet très actuel. Associer les monnaies locales au tourisme m’a paru être un moyen d’avenir à explorer.
Après une licence Administration Economique et Sociale à l’Université de Bordeaux, j’ai effectué une année de césure en Australie, Nouvelle-Zélande, et en Asie du Sud-Ouest durant laquelle ma sensibilité pour un tourisme respectueux de l’environnement, mais aussi, et surtout, des populations locales s’est accrue au fil de mes rencontres. J’ai ensuite réalisé un Master en Ingénierie du Développement Territorial à l’Université de Bordeaux.
Réaliser une recherche-action sur ce sujet pour mon stage de fin d’étude m’a paru être une grande opportunité. En effet, il allie ma sensibilité à la transition écologique et au tourisme, c’est donc un sujet dans lequel je peux exprimer mon engagement pour un tourisme alternatif et plus solidaire.
Où en est aujourd’hui votre travail de recherche ?
Pour commencer cette recherche j’ai d’abord établi une liste de références, d’ouvrages et d’études sur lesquelles je pourrai m’appuyer. Accompagnée par Txomin Poveda, Président et membre du conseil scientifique de Bihar-Institut des monnaies locales, j’ai ensuite posé le cadre de ma recherche, en étudiant les concepts pertinents et parfois très récents (tourisme alternatif, durable, participatif…), puis en définissant les objectifs et les enjeux de cette recherche.
J’étudie maintenant avec Marine Giraud, la permanente de Bihar-Institut des monnaies locales qui encadre mon travail, la manière dont je vais pouvoir mettre en place la partie « action » de la Recherche, c’est-à-dire les méthodes d’enquêtes et les indicateurs les plus pertinents à utiliser. En parallèle, je participe à l’organisation du colloque national de restitution de la Recherche qui se tiendra en fin d’année au Pays Basque, et auxquels seront conviés les partenaires et l’ensemble des territoires intéressés par cette démarche de tourisme participatif lié à une monnaie locale.
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